Le blog de Elisabeth de Hautségur

Admettons que j'aime à jouer avec le feu mais tous les enfants jouent avec le feu. Quand j'avais sept ans, j'ai  foutu le feu dans une maison avec un cousin du même âge! Nous sommes entrés dedans avec nos sandales pour l'éteindre. "  A quoi on joue? " " A faire des bêtises. "

Me voici en train d'écouter des conférences sur les EMI ( expériences de mort imminente ) ou NDE en anglais. Les premières traces signalées sont relatives à Héraclite, Platon, dans les écrits que nous pouvons encore lire.

Il est fréquent de sortir de son corps pour les guérisseurs et sorciers en Afrique. Heureusement, je le savais quand un medium me fit sortir de mon corps sans mon autorisation.

Les EMI sont plus fréquentes aujourd'hui à cause des progrès de la médecine. La première étape est la décorporation ( je suppose que c'est proche de ce que l'on vit lors d'une sortie de corps ). Par la suite, la conscience de la personne est accrue, et ses sens plus éveillés. 

Certains sont aspirés dans un tunnel qui peut avoir plusieurs couleurs et ceci dans une grande paix. Je précise que comme eux, je suis partie par la tête sous l'influence du medium, lui disant " je sors de mon corps ". Quand il voulut me faire rentrer car je ne reconnaissais plus ceux que je voyais ( j'ai vu tous mes proches décédés y compris ceux que je n'ai jamais connus ), j'eus la sensation qu'il agissait comme avec des ciseaux derrière ma tête : il a certainement fait un geste précis qu'il ne m'a pas décrit.

Après le passage dans le tunnel, certains rencontrent des proches défunts qui leur parlent ou non, d'autres évoquent un " être de lumière " dont la luminosité est plus forte que celle du soleil tout en étant très douce. Ledit être de lumière peut ou non parler.

De nombreuses personnes revoient très vite leur vie avec cette simple question " as-tu aimé? " Lors d'une agression avec tentative de meurtre ( double fracture du crâne et viol ), j'ai vécu cela mais autrement, ayant comme une prière inconsciente " C'est trop tôt : je n'ai pas encore eu le temps d'aimer "! Je fus sidérée par cette pseudo-prière.

L'être de lumière est un être d'amour universel et personnel, un être d'amour inconnu de ce monde!

J'ai envie de rire en écoutant Le doctor Moody opérant un homme qui lui a envoyé sa femme en salle d'opération pour lui dire qu'il n'était pas mort ( le médecin était en plein massage cardiaque ).

Certaines personnes reçoivent un message leur indiquant de rentrer dans leur corps, et là, c'est très pénible, un peu comme mettre la mauvaise taille de pénilex sur l'organe de Monsieur.

Il est très rare que l'expérience soit angoissante mais ceci a pu arriver : les personnes changent leur vie à leur retour comme celles qui ont eu une expérience positive.

Me voici encore avec Maurice Clavel que je traque comme s'il pouvait m'apporter une réponse. Je me demande bien ce que j'attends de lui. La chaleur me rend nauséeuse. Mais soyons sérieuse : je sais bien ce que je cherche! Il y a longtemps, très longtemps, mes pauvres parents se sont appuyés sur moi à cause des maladies de deux de leurs fils : cette tragédie avait un goût d'enfer. Ravalons nos larmes et avançons. Il me faut esquisser un peu pour le lecteur : un de mes frères entama un délire qui eut été un excellent sujet de roman; l'autre commença à se paralyser offrant cette réponse empoisonnée à son père. Au fait, Papa, bon anniversaire : je n'ai pas oublié la date! Que vous devez être bien en dehors de tous ces problèmes! Les amis de mon frère délirant et moi cherchions une solution pour lui et notre action nous semblait astucieuse à juste titre, car il convenait de lui trouver un lieu de vie humain correspondant à sa personnalité. Nous sommes dans la merde parce que nos parents voulurent l'héberger et que désormais, ils sont morts : évidemment, j'avais prévu cette hypothèse même s'il arrive que les enfants meurent avant leurs parents. Quand ma mère m'annonça les signes cliniques dont était atteint l'autre de mes frères, j'entrai en catatonie au téléphone, répondant par oui, non, ou onomatopées. Et ma chère mère de m'engueuler  :  " ce n'est pas le moment de craquer ! " Maman, vous étiez un parfait bourreau : sachez que je suis allée dégueuler après votre putain de téléphone! Que je perde quinze kilos en six mois n'inquiéta pas mes parents : quant à moi, je ne compris pas pourquoi je maigrissais en bouffant normalement. Quel est le rapport avec Maurice Clavel? Ce cher philosophe a connu tous les tranquillisants et somnifères existant lors de sa maladie! Il s'en est gavé au-delà de tout bon sens, y résistant de tout son être en préparant ses cours de philosophie sur Hegel. Je sais qu'il en est sorti bien qu'ayant connu l'épilepsie secondaire précédée de convulsions : il décrit un mouvement pendulaire de sa tête tapant contre les murs entourant son lit, indiquant qu'il se blessait le crâne. Une épilepsie secondaire provoque des blessures liées à la chute d'une gravité variable. Je me bats avec un demi-comprimé de somnifère, rêvant de tout stopper, mais je sais qu'il faut passer par la phase de manque pour en être délivré! Plus jeune que moi, Maurice Clavel décida de diminuer la prise de comprimés par des kilomètres de marche à pied, de course, de crawl, et y parvins. Ex-membre du club alpin, j'ai quelques soucis d'arthrose : c'est quoi, cette excuse bidon, imbécile?

Je tombe sur un passage étonnant de l'ouvrage " Ce que je crois " de Maurice Clavel qui se trouve en relaxation chez une praticienne qui proposait ce type d'exercices, mais ce philosophe intelligent voit les ouvrages qui sont dans l'armoire vitrée de la praticienne dont ceux de Freud. " Je lui demandais si elle était psychanalyste. Alors - je le revois au point de le revivre - il y eut en moi un mouvement d'être et d'abîme.  Je m'enfonçai sans fin dans ce divan avec une pesanteur et une douceur infinies - ce serait donc cela! et puis une prière, une supplication éperdue, murmurée : " Prenez-moi ". Elle me regardait et ne me répondait pas. Pourtant mes lèvres s' étaient ouvertes. Mais bientôt je compris que je n'avais rien dit, et je ne parlais toujours pas. Et pourtant l'abandon au divan était féérique. Déjà je la voyais des heures et des heures à mon chevet, visible ou vaguement perceptible à mes yeux levés, comme on imagine des anges. Elle serait là, je lui dirais n'importe quoi, surtout que je l'aimais, et de me garder encore. Elle me disait que déjà j'étais enfin détendu. Parbleu, j'étais arrivé... Je ne sais pas, je n'ai jamais su, je ne saurai sans doute jamais d'où vint ce refus, ce reflux plutôt.... C'est peut-être que je surprenais sur le vif, dans l'instant, en flagrant délit, ce qui d'ordinaire est beaucoup plus dilué dans le temps et s'accompagne et se fausse de pensées; ce qui fait que l'on va chez le psychanalyste : ce glissement invisible, invincible. Ne plus être, et de son vivant, quelle merveille! ( oui, ce doit être très reposant cher Maurice ). J'étais donc en psychanalyse par surprise, j'avais déjà la posture et n'avais qu'un mot à dire, et je ne le dis pas. Quelque chose en moi ne le put. La séance touchant à sa fin - car il y avait une fin - je partis et je ne suis jamais revenu. "

Et juste en dessous : " Je n'ai jamais pensé à Dieu non plus, de tout ce temps-là : pas une seconde " ( pages 251 et 252 dans l'édition Grasset ). Mais pourquoi donc l'auteur qui consulta aussi de nombreux sorciers parle-t-il de prière murmurée? Diable, il n'a pas écrit ce terme sans raison! Mais quand on n'en peut plus, mais quand on n'en peut plus, on rêve de se dissoudre et de ne plus être! On y parvient souvent dans le désert. Pour ma part, si j'avais murmuré une prière à un psychanalyste ( je n'en ai jamais consulté ), cela aurait été : " délivrez-moi de ma famille ", et je crois en être encore là. Pourtant, je n'ai plus de contacts avec mes frères et soeur! Mes parents ont eu la bonne idée de mourir : pourquoi ai-je encore besoin de comprimés débiles? Par imbécilité incurable! Je n'ai plus d'excuse : merci Maurice!

L'auteur d'un roman est souvent présent dans tous les personnages. Il est l'enfant, il est la femme, il est l'amour et le déçu du désir sans amour. Elizabeth Escridge arrive à l'âge de seize ans en Géorgie avec sa mère qui vient de perdre son mari, apparenté à la famille qui les reçoit, ayant rédigé un testament compliqué avant de mourir, criblé de dettes.

Au fond, la mère d'Elizabeth pourrait être la mienne par son profil altier, son refus de céder face à l'épreuve, son ironie cruelle et pleine de bon sens : " Nous sommes des parentes pauvres dont nos hôtes ont honte. Ils nous le feront payer par leur charité condescendante "

Elizabeth découvre l'amour grâce à une rencontre imprévue avec un bel aristocrate dépensier qui vend sans cesse des morceaux de sa propriété pour un bail de vingt cinq ans ( loi anglaise ). Il est persuadé qu'il parviendra à racheter sa demeure. Tous le craignent, mais il se présente quand bon lui semble. Un soir de bal, il s'entretient avec Elizabeth à l'extérieur de la maison près d'un magnolia. Le regard de ce bel homme fascine la jeune femme tandis que lui est émerveillé par celle qui lui semble n'être qu'une âme, renouant avec un fantasme de sa jeunesse. Il est pourtant amoureux - sous l'emprise du désir - d'une autre femme richissime, née aux Etats-Unis ( Le Sud d'avant la guerre de sécession ) conçue à Haïti par des parents catholiques. Le mariage fut discret et eut lieu en l'absence du père de la mère parce que le père était hostile à ce mariage. Il serait logique de croire que son opposition vient du fait qu'il est protestant. La vérité est plus subtile : il souhaite garder sa fille auprès de lui, comme si elle était son épouse ( allô, Papa Freud? ). Mister Hargrove avait une plantation en Haïti et partit avec deux de ses fils qu'il conduisit dans une grande université de Virginie. Le mariage de sa fille eut lieu en son absence. Haïti devenait de plus en plus une île dangereuse pour les blancs. Mr Hargrove n'eut guère le temps que de revenir pour apprendre que la fuite s'imposait, les maisons flambant alentour. Une nuit, les combats firent rage autour de la plantation. Régis de Lavaur époux de Laura née Hargrove était lieutenant et s'approcha avec ses soldats de la plantation pour disperser les assaillants. Mr Hargrove le détestait, voyant en lui un rival potentiel même avant d'apprendre que le mariage avait été célébré. Terrorisé durant l'assaut de la plantation, il visait avec son révolver : a-t-il tué des assaillants? Nul ne le sait. En revanche, il ne loupa pas le mari de sa fille...

La fuite fut longue, éprouvante, dangereuse. En outre, Laura était enceinte. Les chapitres sur la fuite sont fascinants... Mr Hargrove rejoint La Géorgie où il achète la plantation que connaitra ultérieurement Elizabeth. Une gouvernante et un gentleman lui apprennent que Laura est mariée et enceinte : il refuse de les croire, demande des preuves alors que tout a brûlé. Il refuse l'existence de sa petite-fille qui n'aura pas le droit de voir sa mère.

La plantation de Géorgie appartenait à la famille de Jonathan qui a parlé à Elizabeth devant le porche. Belle femme blonde, elle fait tourner toutes les têtes à son insu. Pour Mr Hargrove, elle est satanique et risque de le conduire en enfer. Il l'envoie chez un grand ami auquel il est peut-être apparenté pour fuir son désir pédophile.

Elizabeth est vue près du port de Savannah par Jonathan qui vient de se marier à Annabel, catholique, ayant jadis vendu son corps. Annabel a des très petites traces noires sur ses ongles. Son père était blanc comme neige. A quelle génération remonte le métissage? Je l'ignore. Annabel est rejeté par la " society " à cause de ses ongles. Même son mariage aristocratique ne lui ouvre pas les portes. Son mari ( Jonathan ) et elle fuient en Europe pour vivre " ailleurs " et prennent le bateau à Savannah : c'est à cette occasion que Jonathan et Elizabeth s'offre le premier baiser nuptial. Il s'ensuivra une correspondance frauduleuse entre les deux amants. Entre temps, Elizabeth est foudroyée par la flamme du désir lors d'une première étreinte avec un virginien. Le père du jeune étudiant les pousse à se marier vite ( Elizabeth n'a pas de contraception ). Le père, un grand enfoiré devant L'Eternel, explique à son fils de ne pas permettre à sa femme d'atteindre l'orgasme. La correspondance adultérine se poursuit et la jeune femme décide de dessiner un paysage comme lieu de rendez-vous. Que veut-elle exactement? Le sait-elle? Jonathan la retrouve et s'unit à elle ( n'était-ce pas ce qu'elle désirait? ). Elle le fuit, repart en Géorgie. Lors d'un bal, le mari d'Elizabeth voit arriver un homme au regard rempli de tendresse vers son épouse qu'il appelle par son prénom. Le mari jette sa coupe de champagne sur l'amant... Duel... Deux morts. Le coeur d'Elizabeth reste donné à Jonathan et à nul autre.

Elle finit par se remarier avec un homme sensuel qui la traite en objet et qui lui envoie une lettre qu'elle ne parvient pas à lire : tous les actes sont décrits. Il manque le charme du verrou fermé ( tableau de Fragonard ), le rêve, et les fantasmes. La pornographie tue l'érotisme et l'amour. La lettre est déchirée en mille morceaux.

Le quatorze juillet s'en est allé et les derniers feux d'artifices se sont tus. Mon père a combattu avec les FFI. J'avais déjà évoqué Mère Yvonne-Aimée de Malestroit supérieure d'un monastère mais surtout grande résistante. De nombreuses vidéos évoquent son histoire. Au hasard des échanges sur la toile, j'ai lu le commentaire d'un internaute évoquant sa grande-tante qui a vécu trente ans dans le monastère de cette chère supérieure résistante. J'ai sous les yeux une petite vidéo où Soeur Marie-Bernard d'Antin ( tante de l'internaute ) s'entretient avec Philippe Reinhart (résistant FFL ) qui fut caché, habillé en religieuse, dans la chapelle durant une perquisition allemande. Quel bel homme blond aux yeux bleus, parfois légèrement verts, et comme orangés tant les éclats du regard sont emplis de charme, de courtoisie, de complicité! Il porte une chevalière avec les armes de sa famille, je le suppose : il suffit de le voir pour sentir " qu'il est de la qualité " comme le disent les noirs ou les domestiques des familles de La Virginie du Sud dont parle Julien Green. Mère Yvonne-Aimée lui a sauvé la peau, en lui donnant une partie de ses vêtements : en ce temps-là, il y avait plusieurs épaisseurs de costumes. Ils furent trois à être cachés dans la chapelle, les religieuses n'ayant pas encore eu le temps de leur faire des faux papiers d'identité ( elles en faisaient en permanence. Un clin d'oeil à mon grand-père qui faisait de même demandant parfois un certificat de baptême pour des juifs cherchant à se cacher ).

Mère Yvonne-Aimée eut sans doute des contacts secrets avec Le Général de Gaulle ainsi qu'avec moult autorités. Elle cacha le responsable de la résistance de L'Ouest, préparant  sa fuite quand elle appris qu'il était recherché : elle avait tout organisé pour le faire filer mais il se sentait en sécurité comme si les bonnes-soeurs pouvaient tout faire. Il fut donc arrêté, déporté, et revint après la guerre décorer Mère Yvonne-Aimée qui a reçu cinq ou six décorations de plusieurs pays.

Mère Yvonne-Aimée biloquait. Elle avait averti quelques personnes d'un risque d'arrestation par la gestapo. Un ami prêtre ( leurs familles étaient apparentées, je crois ) fut mis au courant et se demanda ce qu'il pourrait faire, mais décida dans un premier temps de se rendre à Paris. Il l'a vue deux fois dans le métro : la première fois en civil ( elle avait des vêtements civils quand ceci était nécessaire ). Elle lui fit signe d'avancer dans la foule car la stupeur l'avait cloué sur place. Montant dans le wagon, elle lui dit " je suis actuellement à la torture " ( elle était pendue à un crochet autour du cou, comme une sorte de collier... ). Elle descendit quelques stations plus loin, puis il la revit au terminus " prie pour moi, sinon je pars en Allemagne ". Le prêtre était dans une angoisse folle et ne devait rien dire à quiconque. Il a été à la chapelle de la rue du Bac ( chapelle où Catherine Labouré a eu des visions, chapelle dite de la médaille miraculeuse ), priant comme il le pouvait, suivant les stations de chemins de croix avec une valise quelque peu insolite ( il raconte cela avec humour dans les vidéos ), puis après la fermeture de ladite chapelle, il a rejoint le lieu où se réfugiait Mère Yvonne-Aimée quand elle allait à Paris. Il marchait de long en large en récitant des Ave Maria, quand il entendit comme le bruit d'un cavalier sautant de sa monture. La religieuse arriva en haillons et blessée, sans comprendre ce qui lui arriva ( plus tard, elle attribua à son ange la libération paranormale des locaux de la gestapo). Sacrée femme, artiste de surcroît!

Nous irons au bout dans ce soulèvement de tout l'être. Pour beaucoup de nos contemporains, il est plus aisé de refuser de voir et de ne point s'interroger. Oui, je reprends Maurice Clavel. Il a poussé sa révolution, étape par étape, philosophe après philosophe. Qu'il me pardonne d'avancer trop vite au sujet de Marx sur certains points sans avoir repris toute son analyse. L'université m'imposa une approche exégétique du Capital : j'ai le souvenir d'un partiel ( c'est-à-dire d'un devoir en amphithéâtre sans aucun accès à une documentation ). J'étais en troisième année et nous devions rendre une dissertation sur une phrase du Capital. Je ne prêtais pas attention aux autres étudiants. Il me fallut une heure pour envisager toutes les hypothèses de compréhension, puis en choisir une. Il s'agissait donc d'avoir entendu ce texte et après ce temps d'écoute, je rédigeais ma dissertation. L'histoire a un côté comique : des étudiants ont protesté contre ce sujet de partiel avec une phrase incompréhensible. L'enseignant commenta : " c'est plus clair en allemand ". Je n'en fus pas choquée : j'avais écouté ce texte. Toute la promotion s'est effondrée, et à ma grande stupeur, j'eus la meilleure note. La seule chose à retenir est ce désir d'écouter pour entendre. Marx et la dictature du prolétariat? Etait- il conscient que la dictature serait celle d'une élite autoproclamée? Proudhon avait lui-même repéré tous les risques de la dictature dans les textes de Marx. Je n'étais pas marxiste, j'étudiais Proudhon, je lisais " Le Monde " ( jugé trop à gauche par ma famille ) et " Le monde anarchiste " à la maison de la presse ( ciel! Ma mère va l'apprendre! ). Le prolétaire devient l'esclave de ceux qui sont au pouvoir pour leur apporter quelque paradis terrestre et mythique. Cette théorie marxiste comporte donc en son sein une contradiction interne. D'où vient-elle? D'une révolte fondée contre le travail des enfants au tout début de capitalisme. Marx a vu des enfants dans les mines en Angleterre. Les candides sont priés de constater que cet esclavage continue en Afrique, en Asie.

Le terme d'esclave n'est pas employé par la foule qui vit avec un bandeau sur les yeux. Lorsque Julien Green rédige des romans sur son Sud ( d'avant la guerre de sécession ), il note l'hypocrisie du langage qui nomme " serviteurs " les esclaves noirs. Il y a d'ailleurs un épisode pittoresque où une jeune femme de seize ans entend un évêque anglican lui affirmer qu'Abraham avait des esclaves et que l'esclavage fait partie du plan divin. Elle est trop intimidée pour répondre et pique une sainte colère en sortant de la maison de ce prélat.

Je garde ce mot esclave qui nous réveille davantage que le mot trop usé de prolétaire. J'ai vu une vidéo d'un dénommé Rochedy pointant le risque d'un féminisme marxien, réduisant la femme à un objet. Son propos m'a touchée. La loi du profit a exploité aussi ce mouvement tout comme elle s'est engouffrée dans les projets écologiques qui, désormais, se décident au forum de Davos, et non plus dans un regroupement d'idéalistes proposant un modèle d'exploitation agricole avec recyclage de tous les déchets ( j'ai vu un projet fascinant au Bénin sur internet ).

Par quoi a été tué l'humain? Par le profit, la quête de plus-values, et ceci se poursuit encore. " De même que le chemin de Marx au Goulag n'est pas droit, mais infléchi par les démons déviationnistes, de même, si la route qui part de la libération biséculaire de l'homme arrive à son aliénation universelle présente, c'est qu'elle fut faussée ou détournée au départ par le capitalisme; et s'il ne suffit pas par la technocratie qui aliène aussi les patrons; et si elle ne suffit pas, par la centralisation, la publicité, l'urbanisme ou la pollution, au choix ou ensemble; et si ça ne suffit pas, par lé ségrégation culturelle; et si elle ne suffit pas, par la répression sexuelle; et si elle ne suffit pas, par les auteurs de chansons, qui chantent l'air, le ciel, l'amour, les plages et les mouettes DANS L'UNIQUE DESSEIN DE NOUS DETOURNER DE PRENDRE ENTRE EN MAIN NOTRE DESTIN D'HOMMES. " ( Ce que je crois de Maurice Clavel p 182 édition Grasset ).

Il serait trop long de citer tout ce passage qui montre comment l'humain s'est asservi lui-même, comment il s'est tué lui-même, perdant tout sens à sa vie, là où il a laissé des forces de divers ordres lui voler son désir et son âme.

Je poursuis un peu mon propos. Nous pourrions émettre l'hypothèse que l'humain ne fut pas totalement conscient de ce suicide collectif, dans la mesure où tout fut marchandisé : l'art, la culture, les idéologies et d'une certaine manière les religions. " On vous vendra l'air, le soleil, le sperme... " ( court-métrage " Le soulèvement de la vie " de Maurice Clavel. Il se peut que des lecteurs ignorent comment les religions se sont appropriées des pseudo-soins de l'âme et de la psyché, mêlant la psychanalyse mal digérée et la spiritualité de quelque gourou autoproclamé. Tout devient payant à commencer par le simple désir d'être soi-même ( même si ce désir est cercle vicieux ce qui explique peut-être que Lacan ait considéré le patient guéri quand il n'avait plus d'argent ). Le serpent se mord la queue, l'humain aussi, et tout tourne comme un vieux disque répétant sa rengaine. Enfants, nous avions une idée amusante en utilisant un vieux gramophone mécanique et des disques en soixante dix huit tours que nous faisions tourner à l'envers : le résultat était désopilant. En ce temps-là existaient la patrie, l'engagement dans des combats d'idées, la solidarité rurale avec une moissonneuse-batteuse pour plusieurs exploitations, la religion qui mêlait la foi, le culte, des processions parfois avec d'anciens rites païens, l'art, le chant... Certains lecteurs ont peut-être connu les processions au Saint Sacrement avec l'Ostensoir et les rues jonchées de pétales de roses, les rogations pour bénir les terres ensemencées, les pardons bretons où les processions et la fête foraine coexistaient. Il y avait de l'altérité.

Quand le cercle ne s'ouvre plus, quand l'humain se mord la queue ( j'embrasse par ce terme la femme souple qui se mord autre chose ), quand tout tourne en rond sur soi-même, l'enfer est présent. Que Le Tu surgisse, et tous les " Tu " qui sont aussi des " Je " se répondent. Festival de lumières sans artifice mais dans un feu libérant. Tous les mystiques l'ont compris. L'humain n'existe qu'en et par la relation. 

A l'époque actuelle, " ils " osent nous vendre la santé avec un mensonge latent qui prétend éliminer la mort et la douleur. L'amour ( relation ajustée ) permet de traverser la souffrance, de se préparer au passage vers l'inconnu. Il se pourrait que le pari de Pascal ne soit pas idiot et qu'il l'ait ratifié dans son Mémorial cousu dans son pourpoint.

Cinq années de maladie pour entrevoir le surgissement du Tu : c'est en quelque sorte ce que dévoile Maurice Clavel. Nommer Dieu étant le réduire à néant à travers nos misérables mots, j'esquisse " relation ", " je suis aimé de toute éternité " ( je crois que Maurice Clavel s'exprime dans cette région ), " je suis pèlerin de l'absolu " ( ceci pourrait être une de mes phrases maladroites ). Qu'en penses-tu Ophélie?