Marianne cite Paul Bourget et je fus étonnée qu'un auteur si classique ait écrit : " L'érotisme survit à tout ". Plus étrange :" Il n'y a qu'une manière d'être heureux par le coeur : c'est de ne pas en avoir ".
Dans mon imaginaire " le démon de midi " est la passion qui embrase un bel homme à l'âge mûr. Je revois l'homme de Suez qui me plaqua contre un poteau dans le canal. Embrasse moi sinon je ne te lâche pas. Nous étions entourés de femmes voilées et d'hommes en turbans. Son regard bleu profond exigeait. Un fantôme de sourire animait son visage! " Quel con "! pensais-je! " En plein canal "! Ses bras musclés me serraient fortement et je ne pouvais pas lutter. Il reçut un baiser intense où ma langue jouait avec la sienne : que pouvait-il vouloir d'autre ce cher démon que je savais marié et qui ne cessait de raconter que son mariage était nul pour non consommation? Des amis me rappelèrent plus tard qu'il avait l'air très séduit par la jeune femme de type oriental que j'étais lors de dîners où nous fûmes invités ensemble. Jeune brune mince à poitrine alléchante, je l'avais fait craquer dans mon maillot de bain rouge, mais peut-être bien avant dans ses songes alors qu'il était solitaire dans son grand lit, voire sous sa douche, voire en son peignoir blanc. L'homme était beau et il me restait comme une hésitation au sujet de la femme que j'ai rencontrée ultérieurement. Mon démon était comédien et s'effondra à mes pieds chez lui pour me certifier que son mariage était nul et qu'un procès de nullité était en cours. De procès, il n'y eut que la signature de l'enlacement de nos corps sur la moquette ou sur le lit, non sur le sable parce que ce pauvre cher homme avait la peau fragile et attrapait des coups de soleil.
Nous sommes restés amants durant des années. J'avais été précédée en Galilée par une femme belge qui avait cru que le démon divorcerait pour elle. Je le sus à Bruxelles. Cette femme était un peu candide et se fit ruiner par Soeur Emmanuelle à qui elle donnait sans compter. Il me fallut lui conseiller de demander à Soeur Emmanuelle de la marier en échange d'un troupeau de chameaux, et ladite bonne soeur pensa qu'elle n'avait aucune chance de réussir mais comprit qu'elle avait ruiné une brave femme candide. Ainsi ce cher démon me parlait de nullité parce que j'étais catholique et conta la fable du divorce à une femme moins tourmentée par sa conscience. Notre démon aux cheveux flamboyants dans un blond n'était allié qu'avec le soleil et les femmes. La légitime était nommée " Bobonne " et perçue comme essentiellement enquiquinante. Il est vrai qu'elle était timide, dotée d'un corps raide, et n'inspirant pas le péché comme le disait son mari qui devait avoir des intérêts financiers pour maintenir ce mariage fictif. Bobonne devina vite que je connaissais pas son époux uniquement dans les cocktails diplomatiques où j'ai néanmoins réussi à lui tenir compagnie tandis que notre démon jouait au coq avec d'autres belles.
Mais je l'ai gardé, moi, et ce fut bien ainsi. Je l'ai traité de lâche après une pièce de théâtre où il n'osa pas jeter une tomate en plein visage d'un ambassadeur allemand. Il y a toujours un traître caché sous le manteau du séducteur! Non, il n'était pas vêtu de peaux de bêtes au jardin d'Eden après avoir consommé la pomme. Dieu ne lui accorda pas ce privilège reçu par Adam. Il se pavanait nu et j'en faisais tout autant... Il ne me fait pas signe depuis l'autre monde : de quel droit est-il ainsi infidèle? L'âge venant, il n'osa plus me voir. Avait-il besoin d'un tuteur horticole?
Tant pis, j'ai collectionné d'autres amants sur ma route, et même de son temps, au nom de la polyandrie.
" Quand je suis seul ma natte " chantait un africain imbibé de bière de mil, en nous voyant passer Véronique et moi....
Quand je suis seule ma natte, je rêve, je désire, et mon corps enflammé lâche quelques gouttes...