Il apparait qu'Overblog a changé mes identifiants. Aussi vais-je m'adresser à ma filleule S, lui rappelant que je n'ai jamais donné son nom de famille et que le prénom qu'elle porte est beaucoup fréquemment accordé à des nouveaux nés féminins qu'elle ne le croit.
Rassure-toi : tu ne m'obsèdes pas. Il faut bien que je t'avoue que ta mère a été mise au courant de quelques phrases étonnantes, voire cavalières que tu m'as envoyées. Je ne lui ai pas donné, cependant, le contenu de ton dernier message parce que je crois qu'elle en aurait été horrifiée.
La fréquence dysentérique de tes signalements d'abus sont le signe d'une grande souffrance psychique. Ils ne sont que des messages anonymes puisqu'il n'est pas possible d'y répondre : tes coordonnées n'y figurent pas et le message est envoyé avec ces mots " no reply " sur ma boite mail. J'ai eu de nombreux blogs au fil de ma vie et personne n'avait jusqu'ici utilisé cette fonction. Mes visiteurs sont plus simples et laissent un commentaire. Exceptionnellement, ils remplissent le formulaire de contact.
Tu ignores, S, combien je souffre de l'épaule droite en tapant sur mon clavier. Je t'ai expliqué que j'avais passé une semaine dans le coma sur mon plancher en août 2020, après une chute due à un malaise non identifié qui me laissa légèrement sur le côté droit. Je ne suis pas sortie toute seule du coma. J'ai émergé au bout d'environ trois jours, paralysée, ne pouvant plus parler. Je n'ai pas retrouvé la marche tout de suite. Après trois semaines d'hospitalisation, j'ai cru que je n'arriverais jamais à franchir la porte d'entrée de mon immeuble : lorsqu'elle s'ouvre sous l'effet du digicode il reste en bas de la porte un socle de dix centimètres sans doute que je ne pouvais pas enjamber dans le peu de temps que m'offrait l'ouverture de ma porte. J'en fus étonnée, n'ayant jamais anticipé un handicap m'empêchant d'entrer chez moi. Tes messages anonymes ont provoqué une nouvelle chute sur le dos et l'épaule. Je ne souffrais plus, souffre à nouveau, mais ceci s'arrangera au fil des mois. Je sais parfaitement que tu ne voulais pas me faire souffrir et que tu ignorais que j'avais eu un accident en 2020.
De mon côté, j'ignorais que tu étais sans emploi et en fus bouleversée ainsi qu'inquiète Je t'ai parlé plusieurs fois de la formation professionnelle parce que tu peux ainsi obtenir un diplôme en touchant un salaire. Je suppose que l'école t'a braquée pour que tu te mettes en échec à ce point. Je peux très bien imaginer qu'une grande souffrance t'ait également bloquée. Pourtant, il te faudra tout dépasser pour trouver une petite place de parking en pleine crise économique. L'intelligence est en jachère mais tu as gardé toutes tes aptitudes. Sauve ta peau en obtenant au moins un premier diplôme. N'oublie jamais que tu as de la valeur, et qu'en tant qu'enseignante, je t'aurais fait sauter des classes dans le primaire. Tu pouvais réussir deux années en une. " Sauve toi, la vie t'attend " : c'est le titre d'un ouvrage! En réalité, l'ouvrage est " Sauve-toi, la vie t'appelle " de Boris Cyrulnik.
S, tu n'es pas ma seule filleule mais je suis plus inquiète pour toi que pour mes autres filleuls dotés de diplômes universitaires, de situations professionnelles, mariés et parents de familles nombreuses.
Au fait, S, sais-tu ce que sont les parrains et marraines qui s'engagent lors d'un baptême? Sans doute, n'y as-tu pas songé. Permets-moi de commencer par un épisode désopilant peu avant ton baptême au Caire. Etant censée veiller sur ta foi catholique ( tu fus baptisée en rite grec melkite ), je t'ai lu avec des explications adéquates à haute voix un traité de Tertullien. J'avais encore des illusions juvéniles, croyant ce que cette imbécile de Dolto disait : les paroles s'engramment dans le nouveau-né. Au fond, elle voyait le bébé comme un ordinateur, et la marraine comme une clef USB. Tu as seulement compris que je te parlais et ignore tout de Tertullien que je n'ai pas relu récemment, partageant donc ton ignorance de ce père de L'Eglise. Sache, néanmoins que j'y ai mis tout mon coeur! Tu connais l'expression : " l'enfer est pavé de bonnes intentions ". Pourquoi se porter garant de la foi de ses filleuls? Parce que c'est en elle que s'enracine le sens de la vie. Je déteste la morale, plus encore le moralisme, mais suis une assoiffée d'Absolu, mystique atypique à mes heures. Au fond, si tu avais un idéal, si tu rêvais d'un Absolu auquel tu serais prête à donner toutes tes forces, ce serait merveilleux : tu serais sur la route de La Vie. Tu avais un tel potentiel que toutes les portes s'ouvriraient si tu le souhaitais. L'art exige un rude labeur comme la recherche mais ceux qui ont des dons arrivent peut-être à réussir plus vite que les autres. Tu avais beaucoup de mémoire : j'ignore où tu en es aujourd'hui mais ceci se travaille aisément sur des modes ludiques, en apprenant ce que l'on aime. " Je n'ai pas demandé à vivre " me répondras-tu! Je connais aussi ce mantra : il habite notre esprit plus fréquemment dans les périodes éprouvantes. Le chômage est éprouvant mais je suis sûre que tu peux t'en sortir. En revanche, tu as peut-être besoin d'aides de diverses natures. Le dégoût de la vie peut se traiter avec un bon psychanalyste. Mes lecteurs seront peut-être intéressés par un conseil de lecture : " La traversée de L'En-Bas " de Maurice Bellet dont tous les ouvrages sont intéressants. Maurice a quitté ce monde, il y a deux ou trois ans : c'était un ami. Théologien, philosophe, il était aussi psychanalyste. J'ai découvert en premier son livre au titre provocateur " Le Dieu pervers ". Nous participions à un colloque sur les engagements dans la cité, colloque hébergé par un lieu où je lui ai écrit : " Jusque dans votre dieu pervers, je trouve encore le dieu pervers "! J'ignorais tout de lui : il m'a fixé un rendez-vous dans son bureau et nous avons conversé. J'ai suivi ensuite toutes ses conférences.
La psychanalyse n'est pas réservée aux fous : je crois même qu'elle ne peut rien en face d'une psychose. Elle aide simplement à mieux se connaitre, à mieux savoir comment vivre avec soi-même, car même si nous n'avons pas demandé à vivre, nous vivons. Il peut arriver, un jour, que la douleur s'apaise, et que notre vie nous semble savoureuse, cette vie donnée sans notre consentement, donnée par qui à ton avis? Tu es bien trop intelligente pour me répondre : " par mes parents "! Non, remonte à l'origine, à l'originel, à ce sans quoi le monde n'existerait pas! " Ne me parle pas de Dieu " gronde ton cerveau. En tant que marraine, j'aurais pu te le suggérer mais quel est l'intérêt d'un cercle bouclé : " J'existe parce que Dieu l'a voulu "? Présenté ainsi, c'est irrecevable. Remonte jusqu'au mur de Planck : la science ne peut pas encore remonter en amont. Jean d'Ormesson a rédigé divers ouvrages sur ce point : je crois que tu avais un faible pour les beaux yeux bleus de cet écrivain! J'ai rêvé de le draguer quand il était encore jeune par un roman en miroir des siens. Il y a Jean Guitton aussi qui n'inspire pas le péché comme disait mon diplomate et son livre " Dieu et la science " coécrit avec les frères Bogdanoff astrophysiciens. J'ai été fascinée par la partie relative à la physique quand j'ai lu cet ouvrage à l'ombre des murs de la demeure de mes parents. Ils étaient d'ailleurs surpris que je n'aie pas de problèmes de compréhension, mais j'avais beaucoup étudié les mathématiques et la physique dans ma jeunesse.
Surtout, ne réponds pas trop vite à la question de l'origine de ta vie : tu perdrais des étapes passionnantes tant sur le plan artistique ( il n'est pas interdit de lire " La Divine Comédie " de Dante et de contempler les tableaux qui l'illustrent ), que sur le plan scientifique, et plus encore sur le plan de l'élan que donne la quête de sens. Tu peux aussi lire " Ce que je crois " de Maurice Clavel en sautant son analyse des philosophes. Il n'arrive pas à conclure son propos, se dit atteint d'une psychose ontologique ( c'est sa définition de la foi ), écrit être né par amour, pour aimer, et pour tout vivre en étant imbibé de cette quête d'amour.